24 févr. 2009

Critique de la raison pure

Il ne s'agit pas ici de relire Kant ni de chercher à replacer les conditions d'émergence des épistémès qui ont placé, le long des siècles, autant d'options devant les yeux des savants qu'il y a différents parfums de confitures au rayon des confiseries de chez Franprix.
Il ne s'agit pas de retracer dans les grandes lignes le chemin farfelu que j'ai emprunté dans ma réfléxion sur l'épistémologie des sciences sociales, systématiquement parlant, depuis quelques jours à peine, abstraitement, depuis plusieurs années déjà, chemin qui vise à la scientificité de par la critique de sa pratique jusqu'alors et dorénavant.
L'épistémologie a cela de jouissif : on peut faire des tours et des tours sur soi-même, le tourbillon qui en résulte est tout aussi étourdissant qu'improductif. Un chat qui se mord la queue, en somme. Un pont entre l'abstraction et le pragmatisme, la philosophie et la sociologie, l'empirisme et la théorie ... voilà ce qu'elle offre, la salope.
Le tout et le rien à la fois, la grandeur de la pensée juste et clairvoyante contre la bassesse d'une analyse qui ne sera jamais lue parce que trop occulte, trop jargonée.

Voilà que se dressent les pages d'une pensée éparse que je n'arrivais pas même à dactylopgraphier et qui me rappellent le temps des dissertations de terminale, les papiers brouillons, les feuilles pliées en quatre, photocopie de partition au recto et bientôt mots gribouillés au verso. Je retrouve la flamme, l'envie pressante de tout coucher sur le papier, l'organisation mentale improvisée, classant les idées qui jaillissent simultanément et les restituant au fur et à mesure de l'épanchement, la plume du bic qui griffone, vrrr vrrr, comme personnifiée elle aussi, qui écoule son trop-plein comme on étanche une soif.
Puis la satisfaction, surtout, la satisfaction : ce sentiment du travail noble et accompli, la science de l'esprit qui a jasé en soi et qui a fait sienne les mots que l'on cherchait.

On se relit deux heures après et c'est la honte. On ne comprend plus : mais comment a-t-on pu sortir de telles banalités ? Comment prétendre confronter son discours à celui d'une communauté scientifique quand on n'est pas plus grand qu'un atome de doxa ?

Merde.
Est-ce une question d'exigence ? Alors, tant mieux ? Mais lorsque ça en devient improductif ? Que l'on spécule davantage sur ses qualités que l'on ne les met à l'épreuve ? Que passer un mois ou deux sur un sujet pour pondre dix pages, ça ne suffit plus ? Que l'on veut tout chercher, tout vérifier, tout comprendre du passé et du présent et du devenir du sujet que l'on s'est fixé d'étudier !

Et lorsque ce qui plait, c'est d'étudier le métadiscours ? Le discours sur le discours dans le champ des productions scientifiques qui produisent les paradigmes, paradigmes à partir desquels et sur lesquels nous nous construisons ? L'épistémologie, quoi !
De la branlette intellectuelle ?

Voilà ce qui m'interesse :
"L'idée nitzschéenne d'une conscience « perspectiviste », selon laquelle tous les « «faits » sont des interprétations constituées et tous les points de vue sont subjectifs, a beaucoup de points communs avec la réflexivité critique en sciences sociales. La démarche réflexive s'efforce de prendre en compte le fait que le discours ordinaire ne peut fournir qu'une version politisée et idéologique du réel, c'est-à-dire une version qui supprime la conscience de sa propre partialité. […] En pratique, la réflexivité est devenue la reconnaissance par les anthropologues du fait que leurs écrits doivent prendre en compte les forces épistémologiques et politiques qui les conditionnent."

C'est ma vocation !
Comme il se trouve que l'anthropologie est un mot qui n'est pas prononcé devant les moins de 16 ans, j'ai passé mon enfance à chercher le terme qui convenait au métier que je projetais d'exercer ... Institutrice, photographe, egyptologue, rencontreuse de gens, fleuriste ... Entre les grandes lignes des cours de littérature et de philo, j'ai commencé à comprendre que je ne m'étais pas trompé de rails, on parlait bien ici d'ethnocentrisme et de relativisme culturel, de Rousseau et de Diderot, de Marx et Lévi-Strauss ... Voilà, tout cela se précisait et bim, je me mettais à l'"anthropologie-sociologie-ethnologie" -ça fait un peu long à dire comme ça ... il me semble que ce problème d'auto-étiquettage est particulièrement représentatif d'un état général de fait, symptome d'une discipline qui s'auto-estime grandement -et je l'en félicite- mais ne s'assume pas pour un sou, et c'est plus que dommageable.

Comment combrattre les fougues réformatrices d'un gouvernement autoritaire qui procède méthodologiquement dans le but de fonder un grand marché de la recherche si l'on ne sait plus même qui l'on est ? A quoi joue-t-on ? Et pourquoi est-on là ?

Trop souvent, les chercheurs continuent de faire semblant. Faire semblant de parler de "primitif" en encadrant le visage avec leurs mains pour placer des guillemets imaginaires dans le vide, faire semblant de brouiller les pistes en conservant des appellations obsolètes comme celle d'ethnologie tout en refusant d'affronter la grande question des mots-tabous "ethnie" et"tribu" ...

On pense à travers les mots et les mots expriment ce que l'on croit penser.
Dans le cas des sciences sociales, tant que ce problème ne sera pas porté au goût du jour et combattu par les cerveaux de nos chers aînés ... il en résultera que, lorsque je dois informer quelqu'un des études que je fais, je suis toujours à la recherche d'une formulation nouvelle pour être claire et exhaustive à la fois. Et qu'à ce moment, la portée symbolique essentielle des sciences sociales -qui est de s'ancrer dans le réel et de divulguer son discours- s'effondre, ne parvenant pas même à formuler son propre nom.

Question de génération ? Combien de postcolonial décennies est-il nécessaire d'engranger pour pouvoir sortir de l'obscurantisme ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

tu projetais d'être fleuriste, lol

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