27 déc. 2009

Michelangelo Antonioni / Zabriskie Point : Adieu



Pour vous dire bonjour, pour vous dire aurevoir, vous souhaiter tout un tas de choses que je ne pense pas ou que je pense tous les jours mais certainement pas spécifiquement maintenant, en tout cas, l'heure est venue de vous quitter, Marcelline Crane se retire, Marcy ou M.C. vous salue, bien bas et de haut, comme il se doit, Marcelline tire sa voilette, découvre son regard et vous adresse un franc clin d'œil, un dernier, de loin, car, debout, fixe, statique, on la voit devenir de plus en plus petite, lointaine et floue, un long travelling arrière nous emportant loin d'elle -et non le contraire, Marcelline Crane disparaît, subitement et progressivement, Marcelline Crane n'est plus.
Adieu.

15 déc. 2009

Hearing Test

8 déc. 2009

Henri Laborit / Eloge de la fuite


"L'angoisse est pour nous fondamentalement liée à l'inhibition de l'action, dont les causes sont multiples, mais dont une des principales est le déficit informationnel."

"De plus, la civilisation industrielle ayant conduit à l'entassement des hommes dans les gigantesques cités modernes, hommes soumis à un travail parcellaire, répétitif et sécrétant l'ennui, l'espace d'improvisation se rétrécissant et les dépendances s'accroissant chaque jour, les seules fuites furent donc la drogue, tranquilisante ou psychotogène, la névrose ou la psychose, le suicide, dont celui des adolescents s'accroit en nombre de façon inquiétante, ou enfin le retour aux mythes répandus par les multiples sectes souvent exploiteuses et cachant leur intérêt économique sous le masque de la spiritualité.

Enfin, une angoisse qui se cramponne au ventre de tout homme (...), l'angoisse de la mort, demeure toujours présente malgré les efforts faits par les sociétés productivistes pour la faire oublier, car elle risque de diminuer la productivité. (...) Les jeux du cirque banalisés, la pseudo-liberté des vacances incrustée dans la vie journalière, les divertissements innombrables, du plus banal au plus sophistiqué, tentent de faire oublier que la mort est au bout de cette vie sans signification -autre que de recevoir un salaire pour subsister, et acquérir non seulement des biens répondant aux besoins fondamentaux, mais aussi ceux répondant aux besoins acquis, ceux que la publicité a fait naitre, aussi exigeants maintenant que les premiers. (...)

Pour certains, la science a pu repousser très loin les limites de l'espace et du temps où l'homme est inclus. Mais pour la plupart, ceux dont la représentation du monde ne va guère plus loin que les murs de leur bureau, de leur entreprise ou de leur HLM, l'espace s'est au contraire prodigieusement rétréci. Ils se sentent cloisonnés, aliénés, déboussolés, ne sachant plus devant leurs manettes ou leur ordinateur où se trouve le nord qu'Ulysse, dans sa recherche de la route de l'étain, savait repérer grace à l'étoile polaire."

"Quand les sociétés fourniront à chaque individu, dès le plus jeune age, puis toute sa vie durant, autant d'informations sur ce qu'il est, sur les mécanismes qui lui permettent de penser, de désirer, de se souvenir, d'être joyeux ou triste, d'être calme ou angoissé, furieux ou débonnaire, sur les mécanismes qui lui permettent en résumé de vivre, de vivre avec les autres, quand elles lui donneront autant d'informations sur cet animal curieux qu'est l'homme qu'elles s'efforcent depuis toujours de lui en donner sur la façon la plus efficace de produire des marchandises, la vie quotidienne de cet individu aura la chance d'être transformée.

Quand il s'apercevra que les choses se contentent d'être et que c'est nous, pour notre intérêt personnel ou celui du groupe auquel nous appartenons, qui leur attribuons une "valeur", sa vie sera transfigurée. Il ne se sentira non plus isolé mais uni à tous à travers le temps et l'espace, semblable et différent, unique et multiple à la fois, (...) passager et éternel, propriétaire de tout sans rien posséder, et cherchant sa propre joie, il en donnera aux autres.
"

Les travaux d'Henri Laborit sur le conditionnement sont à la base du film Mon oncle d'Amérique d'Alain Resnais en 1980. Il fait montre de l'expérience scientifique sur des rats qui l'a amené à développer le concept d'inhibition de l'action et qui explique dans quelles conditions de stress des rats isolés somatisent (ulcères).

Seele-Bewegung

"Il n'y a jamais le sensible et l'intelligible. Il y a un certain tramage de ce qui est donné: une intelligence du sensible et une sensibilité de la pensée. Il n'y a jamais une transparence de la connaissance intelligible des données sensibles ni un choc de la vérité sensible comme rencontre avec l'Idée ou le Réel."
Jacques Rancière


"Et c'est ainsi qu'un poète pose le problème phénoménologique de l'âme en toute clarté. Pierre-Jean Jouve (in En Miroir) écrit : "La poésie est une âme inaugurant une forme." L'âme inaugure. Elle est ici puissance première. Elle est dignité humaine. Même si la "forme" était connue, perçue, taillée dans les "lieux communs", elle était avant la lumière poétique intérieure un simple objet pour l'esprit. Mais l'âme vient inaugurer la forme, l'habiter, s'y complaire. La phrase de Pierre-Jean Jouve peut donc être prise comme une claire maxime d'une phénoménologie de l'âme."
Gaston Bachelard

Anne Sylvestre / Lazare et Cécile


On dit que Lazare et Cécile
Se sont enfuis cette nuit
Et que la Lune docile
Jusqu'au matin n'a pas lui
On dit qu'un foulard de brume
Fit pour elle un voile blanc
Fit à Lazare un costume
Tissé de nacre et d'argent

On le savait au village
Que Cécile allait souvent
Rêvasser dans les herbages
Et danser avec le vent
On riait de ce Lazare
Sans amie, sans fiancée
Qui rôdait près de la mare
Et n'allait jamais danser

On dit que Lazare et Cécile
Ont un soir changé d'avis
C'était pourtant pas facile
De se cacher près d'ici
Ils ont joint leurs solitudes
Ils ont partagé le vent
Prenant la douce habitude
De s'aimer secrètement

Au bout de quelques semaines
Il parut aux indiscrets
Que dans sa jupe de laine
Cécile s'alourdissait
Lors il fallut les entendre
Tous crier au déshonneur
Mais Cécile, qui est tendre
A préféré le bonheur

On dit que Lazare et Cécile
Se sont enfuis cette nuit
Il y a bien des imbéciles
Pour en sourire aujourd'hui
Pourtant, jusqu'au bout des saules
Ils se sont tenu la main
Puis, épaule contre épaule
Ils ont suivi leur chemin

On aurait voulu peut-être
Voir Cécile dans l'étang
Et sur la branche d'un hêtre
Trouver Lazare pendant
Sans gêne on aurait pu suivre
Leur cortège en soupirant
Mais ceux que l'amour délivre
Préfèrent s'aimer vivants

On dit que Lazare et Cécile
Se sont mariés cette nuit
Dans la lumière fragile
Des heures d'après minuit
On dit qu'au creux de la mare
La Lune en deux se brisa
Formant deux anneaux bizarres
Qu'ils se glissèrent au doigt

Lorsqu'ils ont couru ensemble
Le vent leur fit un manteau
Moi, qui ne dormais pas, j'en tremble
De les avoir vus si beaux
Toi, Cécile, toi, Lazare
Apprenez à votre enfant
{x2:}
Que jamais on ne sépare
Ceux qui s'aiment simplement