31 août 2009

MahjongG

En 1984, Garrel écrit un court texte intitulé « Jean Seberg » que l’on reproduit ici dans son intégralité : [klik me]

J’étais un artiste. Je n’avais pas trente ans. Je vivais seul la plupart du temps, dans une chambre en désordre. Mes films ne marchaient pas. J’écrivais des scénarios pour des films que je faisais avec rien. Je rencontrai Jean, une actrice de cinéma qui ne tournait plus de films. Elle se donna la mort. Une femme ayant le visage de Jean m’apparut dans un rêve. (La salle était vide, la porte était ouverte. Dans l’embrasure de la porte on pouvait voir le mur d’une église. Le visage du fantôme était livide. Le fantôme dit « Je dois partir maintenant. Je vais là, derrière cette église. Tu pourras toujours m’y trouver. ») Comme dans Spirite de Théophile Gautier la suicidée apparaît au jeune homme dans le miroir et l’entraîne dans la mort. Jean m’appelait dans l’autre monde…Mais voici comment se déroula cette histoire dans la vie réelle.

J’étais dans ma chambre ce jour-là, fumant du haschich avec toute la précision que donne l’habitude. Le soleil d’hiver descendait derrière les rideaux. Je m’endormis tout habillé. Je me réveillai et pleurai, sur mon oreiller au milieu de la nuit. (« Je suis fatigué…fatigué…pensais-je, de ma vie de solitaire. ») Mais l’émotion d’avoir déjà aimé et la beauté de ma vie, que je croyais unique, me firent monter d’autres larmes aux yeux et je finis par me rendormir. À midi, je descendis dans la rue. Je croisais Elisabeth une amie, qui m’entraîna chez un couple avec qui elle devait déjeuner. J’avais acheté un lys sur la route pour l’offrir à cette actrice inconnue de moi chez qui on m’amenait à l’improviste. Je devais la revoir.

J’eus avec elle des rendez-vous dans ma chambre, chez elle ou dans un café. Je regardais par la fenêtre la neige qui tombait sur la cour. Je fis un film avec Jean. Je filmais son visage. Parfois Jean pleurait. Je me tenais derrière la caméra. Jean était une comédienne de l’Actor’s Studio et elle improvisait des psychodrames. Je filmais seulement son visage, gardant ainsi secrètes les conditions du tournage. Quand j’eus fini ce portrait, je soumis un premier montage de son film à Jean qui trouva le film très bien. Jean avait tourné beaucoup de films, mais elle prenait plaisir à un film qui lui était entièrement consacré. Au reste dans ce film on pouvait voir son âme, qui était très belle.

Jean écrivit un scénario : « Et maintenant je peux parler d’Aurélia… » Elle écrivit aussi des poèmes qui furent publiés. Elle s’identifiait tour à tour à l’Aurélia de Nerval, qu’elle voulait jouer de façon moderne, et à Jeanne d’Arc, parce qu’elle avait interprété la Jeanne d’Arc des Américains. Jean eut une dépression nerveuse. Elle fut hospitalisée. Les électrochocs qu’on fit subir à Jean eurent un rebondissement tragique. Je revenais à pied des laboratoires de cinéma qui se trouvent en banlieue. Je marchais le long du fleuve. C’était la fin de l’été. Des pêcheurs se profilaient sur le soleil couchant. Je traversais le marché aux puces par la porte de Clignancourt, un nouveau film était fini, et je respirais le bonheur d’en être délivré. Quand soudain au hasard d’un trottoir, je tombai sur la photo de Jean en première page du journal du soir. « Jean Seberg s’est suicidée »

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http://www.youtube.com/watch?v=jUZyMEw1oao

30 août 2009

Alleeeeeez !